Transformer l’intelligence artificielle (IA) en « directeur de thèse numérique » à l’université, ou en assistant pour un journaliste, voilà ce que proposera à la rentrée la start-up nantaise Scriptor Artis (7 salariés). Sa solution offre aussi bien un moteur de recherche augmenté, qu’un outil de vulgarisation, de modération de contenus ou de vérification de la fiabilité de l’info…
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À l’origine, l’idée a germé dans la tête d’une jeune thésarde. Etudiante en archéologie, Barbara Delacroix planchait sur l’histoire des ports et navires dans l’Antiquité romaine. « À un moment, j’ai eu envie d’un programme intelligent capable de répondre directement à mes questions », raconte la jeune femme. À la rentrée 2023, près de 10 ans après, sa start-up Scriptor Artis (Nantes) répond à cette problématique en proposant l’équivalent d’un « directeur de thèse numérique ». De quoi aider les étudiants et universitaires, mais aussi les journalistes et même le grand public dans leurs recherches.
Gagner du temps
Baptisée Devana, cette solution mixe intelligence artificielle (IA) et algorithmes maison. Devana offre d’abord un « moteur de recherche augmenté ». L’utilisateur commence par poser sa question dans le moteur de son choix (Google, Bing, DuckDuckGo…). La réponse lui est apportée par une IA reliée à internet (avec la possibilité de s’appuyer sur celle de son choix : une IA d’Open AI , Bard, Hugging chat…)
Un moyen de gagner du temps. « L’IA pourra me scanner un article scientifique ou de presse quel que soit sa langue, m’indiquer de quoi ça parle, me l’expliquer, vulgariser, faire ressortir les concepts-clés ainsi que les lectures connexes et récentes associées à ce sujet…, résume Barbara Delacroix. Car on a toujours deux problématiques en recherche : trouver la bonne info et la plus actuelle. »
La solution peut aussi aider à rédiger des articles une fois les recherches terminées. Même si ce n’est pas l’objectif initial. « L’intelligence artificielle va surtout aider en disant : ‘allez fouiner dans ces sources-là, ça peut-être intéressant’ ou ‘attention cette info n’est pas correcte’ « , précise la patronne de Scriptor Artis.
Noter les infos en fonction de leur fiabilité
Devana offre par ailleurs d’autres options. Comme la modération, avec une alerte ou un blocage de contenus sensibles (liés au terrorisme, au suicide ou à la pédophilie par exemple). Notamment pour les mineurs. Ou comme l’option vérification d’information. Pour vérifier la fiabilité d’un contenu, l’outil analyse alors une série de critères : le site web source est-il connu ? Le journaliste auteur d’un article a-t-il des références solides? Publie-t-il souvent sur ce sujet et sur des sites fiables… ? Comment le contenu est-il rédigé? La syntaxe est-elle correcte ou s’agit-il d’un post écrit à la va-vite sur un blog ?
L’info récoltée apparait ensuite accompagnée d’une note. «Un score sur 100 va s’afficher en fonction du degré de fiabilité « , indique Marvin Sant, directeur technique de Scriptor Artis. Devana s’appuie aussi sur une base de données que nous avons créée, contenant des millions de sites web auxquels une note a été attribuée » .
À l’intérieur même des comptes-rendus, l’IA va surligner les affirmations sûres ou polémiques : en rouge un passage affirmant que « la terre est plate », en vert la phrase suivante indiquant avec précision sa vitesse de rotation… Avec la possibilité de cliquer sur les mots en question pour comprendre comment les algorithmes ont déterminé ce qui est fiable ou non. Les sources des infos sont également affichées.
Libre à l’utilisateur d’affiner ses recherches en fonction des résultats. « Si je demande le chiffre d’affaires de Google, avec la technologie GPT4 (solution d’OpenAI) ou Bard (solution de Google), il est très probable que la réponse soit erronée. Notamment parce que des experts ont communiqué des estimations sur l’évolution des revenus de l’entreprise, créant ainsi de la confusion. Avec notre outil, si cette info erronée ressort, il y aura une mention indiquant qu’elle n’est sans doute pas fiable. On pourra ensuite relancer la machine pour aller obtenir l’info exacte», cite en exemple indique Marvin Sant. Modulable, Devana offre la possibilité de choisir ou non chacune des options pré-citées.
Levée de fonds en cours
Fondée fin 2020 à Herbignac (44) et accélérée au Village by CA, Scriptor Artis (7 salariés, 100 K€ de CA 2022) prévoit de de tripler ses revenus cette année. L’éditeur de logiciel commercialise en effet déjà un produit nommé Clavus, une suite collaborative souveraine (traitement de texte, tableur, visioconférence…). Devana devrait, lui, être vendu par abonnement à partir de septembre 2023.
À moyen terme, la start-up ambitionne de bâtir « une équipe d’environ 30 personnes et de réaliser 5 à 7 millions d’euros de chiffre d’affaires d’ici 2026 », annonce Barbara Delacroix. Pour s’imposer, la jeune pousse nantaise espère boucler une levée de fonds de 1,5 million d’euros cette année. L’enjeu : financer sa R&D (via l’embauche de développeurs et experts en IA), mais aussi son effort marketing et commercial.
Florent Godard